Thomas Rastoin-Martin

Comment devient-on étudiant en architecture ?

Je pense que l’on ne cesse jamais d’être un étudiant en architecture, de même que l’homme ne cesse d’apprendre et de grandir tout au long de sa vie. Quant au devenir de l’étudiant, c’est en partie par la passion du métier, de l’espace, des hommes et de la matière, en partie par le respect des besoins essentiels des êtres vivants. Devenir étudiant en architecture, c’est apprendre à créer des environnements qui soutiennent la vie, eux-mêmes en interaction, et au sein d’environnements plus larges que l’on doit prendre en compte, qu’ils soient naturels ou construits.

Quel a été votre parcours depuis votre diplôme?

Projets de site pilote pour la recherche et le développement durable sur une île en Albanie.

Étude sur l’autonomie en eau sur les îles de méditerranée.

Projet collectif de café associatif, activité locales et développement personnel.

Réalisation de livrets de valorisation des expérimentations constructives à l’échelle 1 pour l’ENSA.Marseille, session « pierre sèche » et session « paille/ossature bois »

Conception d’une maison bioclimatique passive en pierre et bois/paille, sur un versant de montagne près de Sisteron pour un couple d’amis.

Parmi vos projets, quel(s) est (sont) celui (ceux) qui vous tient (tiennent) le plus à coeur ?

Le projet qui me tient le plus à cœur est toujours celui sur lequel je travaille en dernier, actuellement, la maison passive pour un couple d’amis.

Quels souvenirs gardez-vous de vos années à l’ensa•m ?

Un espace protégé et foisonnant, où règne une certaine effervescence et une grande émulation des esprits, ainsi qu’une grande diversité des approches.

Un dernier mot (un conseil, une réflexion…) ?

A mon sens la qualité principale qu’un architecte doive développer est l’écoute. Savoir écouter permet de faire s’épanouir des situations, des lieux, des mouvements déjà existants à l’état latent, et magnifier ainsi les connaissances vernaculaires, au travers du prisme des connaissances expertes de l’architecte.

Tribulations d’un architecte apprenti, par Thomas Rastoin-Martin

Ce texte est dédié à tous les débutants.

Juin 2016, diplôme fièrement en poche, une pause bien méritée s’annonce… ! ………. Et après ?

L’après, l’avenir, le métier… question que l’on repousse parfois jusqu’à la dernière minute : « Qu’est-ce que je vais faire dans ma vie d’architecte ? »

Le diplôme qui nous apporte énormément, ne nous prépare pas vraiment à l’après. C’est véritablement un autre monde, qui fait appel à d’autres facultés de communication et de prise de décisions qui ont un impact réel et des enjeux souvent élevés.

De plus, la profession est en perpétuel mouvement. Elle se réinvente aujourd’hui positivement, mais on assiste en parallèle à une grande instabilité du modèle dominant : les agence de moyennes tailles disparaissent progressivement, éclatées en plus petites entités pour survivre face aux charges accablantes et à des marchés limités ; ou finissent absorbées par des « géants » de 150 employés, capables d’enchaîner de gros contrats pour rester à flot. Cette grande instabilité s’illustre parfaitement avec la crise économique de 2008, qui s’est durement répercutée sur les milieux de la construction. La commande privée, elle, est débordée de promoteurs immobiliers, qui répètent sans cesse les mêmes modèles, sans soucis réel du contexte ou de son utilisateur.

Et moi dans tout ça ? Que faire si ces modèles vacillants ne correspondent pas à mon état d’esprit ? Que faire si je n’ai pas envie de m’enterrer dans un bureau « parce qu’il faut bien vivre », à dessiner des toilettes à la chaine, où mon identité s’efface peu à peu face à la crise ?

Paradoxalement, pour ne pas tomber dans cette logique de survie, et risquer de perdre sa vocation et son âme au profit d’un monde en récession, un certain esprit d’aventure est requis. Ce qui signifie aller vers l’inconnu, tenter des choses, avoir un esprit de découverte.

Ne pas être dans la survie nécessite de passer par une phase d’inconfort, de changement et d’insécurité, pour mieux se trouver soi, se découvrir, et se respecter, sur le plan personnel et professionnel… pour finalement répondre à cette question que l’on oublie parfois : « quel type d’architecte ai-je envie d’être dans le monde ? » et accessoirement, « qu’est-ce que je peux apporter ? ».

Autrement dit passer de la survie à la vie.

Pour certains, la vocation est une évidence, un chemin tout tracé, dans lequel ils s’épanouissent, et qui leur convient. Pour d’autres, la question est plus difficile. En effet, si le modèle qui nous correspond n’existe pas, il est à inventer, à expérimenter, dans une série d’essais et d’erreurs, jusqu’à ce que finalement un semblant de cohérence commence à apparaître.

Pour moi, cela est passé par un blocage de plusieurs mois, de recherches d’emploi infructueuses et sans convictions, à faire mon book sans objectifs véritables… Et puis un jour, après une sérieuse crise de nerfs, j’ai décidé de ne plus avoir peur. Car c’était cela le cœur du problème.

Lorsque mon état d’esprit a changé, tout a changé, tout s’est comme « aligné ». Avoir créé l’espace des possibles en moi, a entrainé une série de rencontres et d’opportunités que j’avais jusqu’alors empêchées. J’ai alors pris le temps de poser sur papiers mes horizons possibles, en les classant par ordre de préférence, et déterminé les moyens à mettre en place pour y parvenir, ainsi que mes valeurs et mes aspirations.

Cet éclaircissement fondamental a permis de dégager mon esprit encombré, pour laisser la place aux rencontres qui ont suivi. Je suis allé à certaines conférences qui m’ont ouvert des portes, et j’ai recontacté des personnes ressources, (anciens professeurs, ancien employeur, etc.) pour ainsi rebondir positivement pendant quelque temps jusqu’à aboutir à une proposition de mission correspondant parfaitement à mon profil.

Depuis, je suis auto-entrepreneur, et le travail qui ne cesse d’arriver renforce la cohérence de ma démarche.

Pour conclure simplement, avant de se jeter dans l’abime d’un travail quelconque ou de rester bloqué sur place par peur de faire une erreur, prenez le temps de réfléchir et de poser les choses sur papier, parlez autour de vous et cherchez conseil, puis déterminez votre but. Si celui-ci ne correspond pas à la manière de pratiquer l’architecture aujourd’hui, alors inventez courageusement la vôtre !… comme ont pu le faire les récents collectifs d’architecture, Patrick Bouchain à ses débuts, Olivier Gaujard, avec son bureau d’études constitué en SCOP, et tant d’autres.

 

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